Mathilde Basse - 7 Novembre 2024
Arina Trunova dans son atelier
Arina Trunova, artiste franco-russe, exprime son art à travers une approche singulière où la matière et les mots s’entremêlent. Explorant le bois, sa matière de prédilection, elle y mêle peinture, gravure et parfois même des fragments d’écriture, donnant à ses œuvres une dimension narrative unique. Son travail s’ancre dans des thèmes profonds comme la féminité, qu’elle explore sous un regard à la fois personnel et universel, et le voyage, à la fois intérieur et physique. Par ses créations, Arina cherche à transmettre un message empreint de légèreté et d’optimisme. À travers des touches d’autodérision, elle invite le public à aborder la vie avec moins de sérieux et avec plus d’humour et de simplicité.
Arina est née à Saint-Pétersbourg. Elle y découvre très tôt sa passion pour l’art, passant ses étés d’enfance à dessiner et peindre. Elle décide donc de 10 à 17 ans, de se former en école d’art en Russie. « C’était ma première vraie décision en tant qu’enfant » se souvient-elle avec fierté. Cette période, qu’elle appelle sa « première naissance artistique », marque cinq années d’études intensives, au cours desquelles elle développe ses techniques et construit son identité artistique.
Cependant, ses aspirations sont mises en veille lorsque ses parents l’encouragent à emprunter une voie plus lucrative, l’incitant à mettre de côté ses rêves artistiques. Ainsi, à 18 ans, elle choisit de poursuivre des études en relations publiques à l'université LETI de Saint-Pétersbourg. Par la suite, elle décide de s'installer en France pour effectuer un master en LEA - Affaires européennes à la Sorbonne, à Paris. Après son master, elle enchaîne avec un doctorat, toujours à la Sorbonne, et débute sa carrière en tant que commerciale internationale B2B dans une agence spécialisée en visites guidées insolites de Paris. Aujourd’hui, bien qu'elle ait changé d’entreprise, elle continue de travailler dans les relations publiques.
Ce n’est qu’en 2019, à l'âge de 34 ans, qu'Arina connaît une véritable renaissance artistique, lors de la rénovation de la maison qu'elle avait achetée avec son ex-compagnon en Allemagne. En réutilisant des morceaux de bois pour décorer son espace, elle retrouve le plaisir de créer et reprend la peinture. Délestée des attentes familiales, elle se laisse porter par une expression personnelle, permettant à une créativité plus libre, authentique et instinctive de s'épanouir.
« À l’école d’art, on nous poussait vers une perfection inatteignable, laissant en moi ce sentiment constant de ne jamais être à la hauteur. Décorer ma maison a marqué un tournant : j’ai choisi de créer des œuvres que je pouvais voir chaque jour, sans chercher à fuir leur regard ni à me juger trop sévèrement. C’était un acte d’acceptation, un défi de m’accommoder de mes propres créations et d’apprendre à les aimer. »
Arina Trunova dans sa maison en Allemagne
Arina puise profondément dans ses racines russes, en particulier à travers les souvenirs de ses étés passés dans la campagne, où le bois faisait partie intégrante des constructions et de la décoration. Cette culture du bois et l’artisanat local, qu’elle observait enfant, ont nourri son imaginaire. La passion pour la gravure sur bois vient aussi d’une œuvre réalisée par son père dans sa jeunesse, qui l’a inspirée à explorer ce matériau.
Ces souvenirs d’enfance sont ainsi devenus une source inépuisable pour son art.
Gravure du père d’Arina Trunova
Pour Arina, le bois n’est pas un simple support, mais un véritable partenaire de création. Elle se laisse guider par les aspérités, les couleurs et les formes naturelles du bois, qu’elle qualifie de « co-créateur ». « Le bois impose parfois des chemins inattendus. J’essaie de tracer une ligne, mais il peut en décider autrement » explique-t-elle, révélant l’importance du dialogue entre l’artiste et la matière dans son processus créatif.
Le processus de création d’Arina est minutieux et organique, ancré dans une connexion physique avec le bois, qu’elle aime manipuler pour se rapprocher de la nature. Elle commence souvent par une esquisse rapide avant de travailler le bois, qu’elle ponce, arrondit et prépare minutieusement, savourant le contact direct avec ce matériau vivant. Ensuite, elle passe à la gravure, une technique qui se mêle étroitement à la peinture acrylique, permettant de multiples allers-retours entre les deux. Ces échanges créatifs confèrent à ses œuvres une profondeur unique. Arina explique qu’elle ne cherche jamais une perfection figée, mais laisse plutôt le bois et son toucher guider l’évolution de ses créations.
Arina Trunova en création
Les thèmes de la féminité et du voyage occupent une place centrale dans l’univers d’Arina. Elle considère le voyage comme un processus introspectif autant qu’une exploration physique, tandis que la féminité se manifeste naturellement dans ses œuvres, reflet de son propre parcours et de son expérience en tant que femme.
Dans sa série « Voyageuse », elle représente des silhouettes féminines en mouvement, vues d'en haut, avec un cadrage centré sur les jambes, symbolisant leur exploration du monde et de leur propre identité.
« Ça m'est venu un jour où je me suis vue avec un verre de vin et j'ai trouvé la position jolie. C'est cela que je voulais représenter, c'est un peu comme un selfie, un regard de l'intérieur. On voit les jambes, et c'est comme si on était cette femme.»
“Les Songes En Plénitude “ de Arina Trunova
Arina ajoute souvent une touche de poésie et d’humour à ses créations, illustrant ainsi son désir d’alléger la vie par l’art.
« L'humour est très important pour moi. Rire de soi-même, rire de la vie... C'est ma façon de dédramatiser. »
En intégrant cette autodérision, elle invite le public à aborder la vie avec légèreté et à voir au-delà des apparences. Chaque œuvre devient ainsi un message de liberté, célébrant la beauté des moments simples et authentiques.
Chaque création d’Arina est accompagnée d’un message, un texte qui ajoute une dimension littéraire et introspective à son art.
Dans « Voyageuse », par exemple, elle inscrit la phrase « L’impossible n’est pas assez fou pour moi », un mantra qui invite à l’audace et à l’exploration.
“Quelle Peine” de Arina Trunova
Dans sa série « Divague », Arina nous invite à un moment d'autodérision et de contemplation. Elle capture la liberté d'une vague qui se déforme, sort du cadre, et change d’aspect, symbolisant le lâcher-prise et l’acceptation de soi. C'est un appel à philosopher sans trop de sérieux, à rire de nos propres divagations. Comme la mer qui n’a pas honte de ses tempêtes, Arina nous encourage à embrasser nos variations intérieures, sans retenue et sans peur.
Ce mélange de mots et d’images souligne son envie de partager non seulement des œuvres visuelles, mais aussi des réflexions et émotions plus profondes.
“L’art de divaguer en douceur “ de Arina Trunova
Les œuvres d’Arina sont imprégnées de ses racines culturelles, notamment à travers le folklore russe et l’art naïf, qui inspirent son style et ses motifs.
L'art naïf désigne une approche picturale caractérisée par un style figuratif qui s'affranchit — volontairement ou non — des règles traditionnelles de la perspective, de la proportion, de l'intensité des couleurs et de la précision du dessin. Ce choix stylistique crée un univers visuel rappelant celui de l'enfance, d'où l'appellation "naïf".
Elle voit dans l’art naïf une forme d’expression brute, directe et émotionnelle, qui lui permet de rester fidèle à elle-même.
« Le folklore russe a quelque chose de chaleureux, de magique. C’est un retour à mes racines, et cela se reflète dans mes couleurs et mes motifs, » dit-elle. Ce style particulier, qui se libère des conventions académiques, lui permet d’explorer des possibilités nouvelles à chaque création.
“Dans une vague rêverie “ de Arina Trunova
Quant à ses aspirations pour l’avenir, Arina rêve d’exposer ses œuvres dans des lieux prestigieux comme le Musée d'Orsay, mais elle se voit également intégrer ses créations dans des espaces de design. « L’art ne doit pas se limiter à un mur de galerie. J’aime l’idée que mes œuvres puissent faire partie du quotidien, enrichir un espace et dialoguer avec le design » confie-t-elle.
Pour elle, l’art doit être accessible et s’intégrer dans la vie de chacun, apportant une touche d’authenticité et de beauté à l’espace de vie. En parallèle, elle explore de nouvelles techniques, notamment la pyrogravure et des techniques traditionnelles, pour enrichir son univers créatif et rendre hommage aux artisans de son enfance.
Arina décrit avec émotion une de ses œuvres les plus précieuses, un tableau de 1m x 1m qu’elle a dédié à sa famille de cœur française qui l’a accueilli pendant 5 ans lors de son arrivée en France. Ils sont devenus un pilier dans sa vie, et ce tableau reflète leur lien unique.
Conçu comme un hommage, il est rempli de symboles et de souvenirs qui retracent leur histoire commune, chaque détail représentant un moment, un symbole de leur vie partagée. Réaliser cette œuvre a été un projet de longue haleine, mais aussi un acte de gratitude. Offrir ce tableau a été pour elle un moment de fierté intense, amplifiée par la joie de voir que cette famille si chère en apprécie la profondeur et la symbolique.
Oeuvre pour dédiée à la famille de coeur d’Arina Trunova
Enfant, voyage, rêverie.
Arina basée entre la France et l’Allemagne, crée partout, adaptant son environnement à chaque étape du processus. Pour la gravure, elle aime travailler à plat, souvent à même le sol, et préfère être en extérieur. Dans un petit village dans la Forêt Noire, dès que le soleil se montre, elle installe son espace de travail sur la terrasse ou le balcon, puisant son inspiration dans la nature environnante.
Dans cette atmosphère, elle développe ses projets en cours, notamment de nouvelles variations pour ses séries « Voyageuse » et « Divague ». Elle souhaite aussi approfondir l’art de la pyrogravure, une technique qui résonne avec ses souvenirs d’enfance et les artisans qui l’ont inspirée. Elle s’est récemment équipée d’outils de gravure manuels, ravivant ainsi un lien artistique fort avec son passé.
« The Art Cycle m’a permis de retravailler mon positionnement, de revoir comment je présente mes œuvres, et m'a beaucoup motivée à poursuivre dans cette direction » .
Au-delà de cet aspect technique, The Art Cycle a également eu un impact positif sur sa motivation et sa confiance. Leur soutien l’a encouragée à persévérer dans sa démarche, à poursuivre ses séries comme « Voyageuse » et « Divague ». Elle a gagné en assurance et en ambition, se sentant légitimée dans son désir d’aller plus loin dans sa carrière artistique.
Arina Trunova est une artiste dont le parcours et la vision de l’art témoignent d’un profond attachement à la nature et aux émotions humaines. À travers ses œuvres, elle tisse un lien entre ses racines russes, son amour pour le bois, et une démarche créative libre et instinctive. « Chaque œuvre est un voyage, » affirme-t-elle, une aventure où elle puise dans ses souvenirs et ses expériences pour créer des pièces uniques et pleines de vie.
Ses œuvres, empreintes de nostalgie et de modernité, nous invitent à redécouvrir la beauté de l’imperfection, à rire de nous-mêmes et à explorer la légèreté de l’existence. C’est un appel à ralentir, à apprécier chaque instant et à s’immerger dans la richesse de l’imaginaire. Arina Trunova nous propose ainsi une aventure artistique unique, où la sincérité et la liberté se rejoignent pour offrir des messages de paix intérieure, de courage et d’évasion.
Merci à elle pour cet échange !
PARTAGEZ CET ARTICLE !