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Aragorn Boulanger : L’art du mouvement, de la chorégraphie à la calligraphie

À la rencontre de...

Younes Kheniche - 18 Juillet 2024

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Aragorn Boulanger en train de créer à La Gare Expérimentale lors de la Nuit Blanche 2021

Il y a quelques semaines, nous sommes allés à la rencontre d’Aragorn Boulanger, artiste calligraphe. Lors de cet échange, il a accepté de revenir sur son parcours atypique qui l'a conduit de la danse à l'écriture artistique, ainsi que sur sa recherche du geste parfait.

• • • Ses premiers pas dans l’art de la danse

Aujourd'hui calligraphe et praticien des arts visuels, Aragorn Boulanger a commencé son chemin artistique comme danseur et chorégraphe. Autodidacte, il a exploré le mouvement dès l'âge de 15 ans, influencé par des souvenirs d'enfance « chargés de courbes et d'ondulations. »

Ces images ont façonné sa technique de danse, marquée par une fluidité et un dynamisme unique. Pendant 20 ans, Aragorn a perfectionné et partagé cette approche dans le monde de la danse et des arts vivants. Sa carrière a été caractérisée par une recherche constante sur le mouvement ondulatoire, menant à une signature artistique personnelle et distincte qu’il continue encore à enseigner à l’heure actuelle.  

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C’est alors qu’en 2017, Aragorn a donné un nouveau tournant à sa carrière artistique en se consacrant à la calligraphie persane. « J'ai eu besoin de décoller l'expression artistique de la personne, j'avais besoin de pouvoir être « hors de l'œuvre elle-même » ».

• • • Sa transition du corps au calame

Son initiation à la calligraphie, une discipline imprégnée d'une tradition ancestrale, contraste nettement avec son approche autodidacte de la danse, où il inventait et créait en toute individualité. Il a découvert un domaine très codifié et hiérarchisé, exigeant une transmission rigoureuse.

C’est ainsi qu’il a étudié auprès de Bahman Panahi, un maître calligraphe iranien établi en France. Il décrit ce lien qui le lie à son maître comme éternel : « C'est une formation qui s'étale dans le temps, on remonte toujours à la source pour renforcer et perfectionner les bases. »

Cette formation traditionnelle a intégré Aragorn dans une lignée prestigieuse de calligraphes, remontant jusqu'à Gholam Hossein Amirkhani, l'un des plus grands calligraphes vivants, reconnu par l'UNESCO comme un joyau de l'humanité.

Bahman Panahi (1ère image) - Gholam Hossein Amirkhani (2ème image)

Cette transition a également impliqué de nouvelles dynamiques relationnelles et professionnelles. Aragorn a dû naviguer entre divers réseaux, passant du spectacle vivant aux arts visuels, et ajuster son modèle économique à une réalité moins subventionnée, dépendant davantage de fonds privés.

Pour Aragorn, malgré ces différences et ces défis, la danse et la calligraphie partagent un territoire commun : « une sensation de mouvement, une sémantique de la courbe, une recherche d'excellence, d'harmonie et d'équilibre ».

De cette façon, il a progressivement transféré son élan créatif dansé à une « trace sur le papier ». Ce transfert a permis à Aragorn de fusionner ses compétences chorégraphiques avec la précision et la beauté de la calligraphie, créant un pont entre deux formes d'art, apparemment distinctes, mais fondamentalement liées par leur essence de mouvement et d'équilibre.

• • • La quête du « geste parfait »
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Le Tout – AragoRn Boulanger

Aragorn puise ses influences dans une contemplation profonde de la nature et de l'humanité. Pour lui, l'inspiration est une force incontournable et mystérieuse. Il évoque l'exemple de la mer et des vagues, soulignant comment leur mouvement hypnotique suscite des questions sur les dynamiques et les rythmes qui résonnent profondément en chacun de nous.

À la recherche du geste parfait, Aragorn explore le lien entre le mouvement dansé et le geste calligraphique, celui qui contient « quelque chose d'inné, quelque chose d'insaisissable et qui nous dépasse en même temps ». Il s'interroge sur ce qui fait qu'une simple ligne ou une forme sur une feuille peut évoquer des expériences sensibles ou des concepts intelligibles. Cette quête perpétuelle de signification à travers « des gestes qui semblent préexister au langage ou à l'écriture » est au cœur de son œuvre.

Son processus de création est empreint de mystère et de préparation attentive « Ça commence souvent par de l’écoute, essayer de se rendre sensible ». Tel un musicien, il pratique des gammes, répétant des gestes et des lettres jusqu'à atteindre un état de détachement. Il rassemble des conditions propices à la création, choisissant parfois « un son particulier ou une musique particulière qui va contenir le rythme nécessaire pour la prochaine pièce » . Il poursuit cet exercice, sans avoir trouvé « la recette du succès », estimant ses réussites à moins d'une fois sur dix. Mais, chaque réalisation, est une « révélation » précieuse qui lui permet d'affiner sa méthode.

• • • La représentation du mouvement sous toutes ses formes

Sa pratique artistique se divise entre la calligraphie classique et des œuvres plus abstraites. Dans la calligraphie classique, il respecte strictement les traditions et les formes, tandis que ses œuvres abstraites cherchent en amont, dans une « méta-écriture ».

C’est ainsi qu’Aragorn développe un travail varié, articulé autour de trois séries majeures centrées sur ce même thème central du mouvement.

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Mers 3 – AragoRn Boulanger

La série « Mers » est la plus importante de l'artiste. Inspirée par les étendues d'eau, elle se compose de très grands formats intégrant des textes sacrés en calligraphie arabe. Aragorn explique : « Je travaille du texte en respectant la morphologie de la calligraphie arabe avec le plus de précision possible, mais en donnant au texte une dynamique dans l'espace qui induit du mouvement et une sensation de volume. » Il transforme ainsi une écriture statique en une œuvre tridimensionnelle

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Fleuve 2 – AragoRn Boulanger

La deuxième série « Fleuves » se concentre sur le mouvement pur et la continuité des lignes et des courbes. L'artiste décrit cette série comme « un mouvement qui n'est pas du tout un signifiant, [élément porteur d’un sens ou d’une signification] qui n'est qu'une question de continuité de ligne et de courbes. » Chaque œuvre capture un instant unique d’un flux comme d'un cours d'eau, avec des tailles et des couleurs variées. 

AragoRn présentant ses dernières « chimères » dans son atelier (1ère image) – Chimère 10 – AragoRn Boulanger (2ème image)

Les dernières œuvres en date d'Aragorn Boulanger proviennent de la série « Chimères ». Cette série explore les frontières entre signes calligraphiques et mouvements abstraits« C'est une série qui fonctionne avec des signes, des morceaux de gestes calligraphiques qui se prolongent dans du mouvement pur. » explique l'artiste. Ces œuvres jouent sur l'ambiguïté entre formes reconnaissables et abstraites, offrant une exploration constante et en évolution.

• • • Un artisan en perpétuelle évolution

Lorsque l'on parle d’évolution artistique, c'est souvent pour évoquer une transformation radicale du style et des techniques. Cependant, pour notre artiste, cette progression est à la fois constante et subtile.

« Mon style n'a pas évolué au fil des années et il a évolué en même temps. » explique-t-il. Au cœur de son œuvre, il reste fidèle à une préoccupation initiale : être sensible à un mystère fondamental. Il devient de plus en plus conscient de cet objectif et s'efforce de la rendre plus visible à travers son art. Il espère ainsi que cette compréhension s'épanouisse et se révèle davantage avec le temps.

Son approche se distingue également par une dimension artisanale. Comparant son travail à celui d'un charpentier, il souligne l'importance de la maîtrise du geste. « Le geste devient plus sûr, plus confiant, plus juste, plus harmonieux. Mais c'est le travail d'une vie. » dit-il. C'est cette perfection progressive du geste qui enrichit son style, le rendant à la fois intemporel et en perpétuelle évolution. 

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AragoRn Boulanger en train d’enseigner la calligraphie au Carreau du temple – Paris (2022)

Ce perfectionnisme le conduit à avouer qu’il n’est jamais fier de ses œuvres. « Je ne vois que les défauts, car on recherche toujours la perfection. Et puis on compare aux grands maîtres de l'histoire, et on voit tout ce qui manque, tout ce qui est un peu raté dans les moindres petits micro-détails. »

Cette modestie, loin d'être une faiblesse, reflète son engagement envers l'excellence. Chaque création, qu'elle soit classique ou contemporaine, est une étape vers l'authenticité et la compréhension profonde du monde. Sa satisfaction vient de ces rares moments où il parvient à délivrer quelque chose d'indéfinissable, témoignant de son dévouement à l'art.

Lors de sa première vente, notre artiste se rappelle avoir été submergé par des doutes et un fort syndrome de l'imposteur. Il décrit cette expérience comme « très étrange », comparant ce sentiment à celui de cuisiner un plat sans pouvoir le goûter. La confiance n'était pas au rendez-vous.

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AragoRn Boulanger lors de l’exposition collective « CalligraVie » - Orsay, Paris (mai 2024)

• • • Son univers artistique en 3 mots

Espace, mouvement et signe.

• • • L’art comme lien universel

Dans son jeune âge, Aragorn rêvait d'être un héros, inspiré par les super-héros et les héros ordinaires des films. « Je me voyais comme les héros des films qu'on voyait quand on était petits. » se souvient-il. Cette aspiration de grandeur s'est transformée en un désir de créer un impact significatif à travers son art.

Aujourd'hui, ce rêve d'enfance trouve une résonance dans sa vision d'une exposition idéale. Pour lui, organiser une exposition va bien au-delà de présenter ses œuvres ; il s'agit de créer un espace de rencontre entre différents publics. « En France, il y a des publics auxquels le monde de l'art contemporain ne s'adresse pas, ou peu. » observe-t-il. Il aspire à combler ce fossé en rendant l'art contemporain accessible à une population plus diverse.

Il imagine son exposition idéale dans une métropole comme Paris, où les barrières entre l'art élitiste et le public populaire seraient brisées. « Si mon travail pouvait être dans un endroit qui crée cette circulation, ça serait magnifique. ». En cherchant à rapprocher ces mondes, il incarne un nouveau rêve, non pas, par des exploits spectaculaires, mais en rendant l'art accessible et significatif pour tous.

• • • La collaboration avec The Art Cycle
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AragoRn Boulanger lors de l’exposition collective The Art Cycle – Paris (juin 2024)

Cette vision résonne également dans sa collaboration avec The Art Cycle, entamée il y a près d'un an. « Ce que ça m'a apporté, c'est de la confiance sur le plan humain, sur les relations. » Pour un artiste encore au début de son parcours dans les arts visuels, malgré une longue expérience dans le domaine, cette association avec The Art Cycle a renforcé sa croyance en la capacité de l'art à rapprocher les gens. « C'est plaisant de se dire qu'on travaille avec des gens avec qui il est facile de se relier sur le plan humain. ». Cette coopération s'aligne aussi avec l'objectif de The Art Cycle de rendre l'art plus accessible à tous. « Je suis content de participer à ça. » conclut-il.

• • • Mot de la fin

Aragorn Boulanger incarne l'exploration artistique à travers le mouvement et l'écriture, cherchant constamment le geste parfait. Son parcours de la danse à la calligraphie témoigne d'une poursuite incessante de beauté et d'harmonie. En rendant son art accessible et universel, il rapproche les publics et invite chacun à découvrir la poésie du geste.

Chez The Art Cycle, nous sommes fiers d'avoir des artistes comme Aragorn.

Un grand merci à lui pour cet échange !

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