Chloé Harlay - 13 Août 2020
L’ère du modernisme est un art de vivre qui a pris racine dans une cassure totale des mœurs et des modes de vie au cours du 19ème siècle. Elle représente un nouveau souffle, une nouvelle manière d’appréhender le quotidien.
Dans cet article, The Art Cycle vous présentera les prémices et les icônes de ce mouvement.
• • • LA VILLA SAVOYE - LE CORBUSIER
Charles-Édouard Jeanneret (1887-1965) est bien plus qu’un architecte, il s’agit d’un penseur, d’un philosophe d’une nouvelle ère : celle de la modernité. On peut affirmer sans problème qu’il s’agit de l’architecte le plus influent du XXème siècle.
Créateur de la conception de la vie moderne, il est le pionnier de l’architecture moderne et du fonctionnalisme qui trouve son paradigme dans la Villa Savoye. Construite entre 1928 et 1931 à Poissy, elle constitue une image chirurgicale des « 5 points de la modernité » qu’il a lui-même formulés en 1927 :
1 - Les pilotis : bannir l’insalubrité des sous-sols et favoriser la circulation et les espaces verts sous la bâtisse.
2 - Le toit-terrasse : le toit est exploitable et habitable.
3 - Le plan libre : la suppression des murs porteurs autorisée par les structures type poteaux-dalles libère l’espace dont le découpage est devenu indépendant de la structure.
4 - Les fenêtres en bandeau
5 - La façade libre : poteaux en retrait des façades, plancher en porte-à-faux, la façade devient une peau mince de murs légers et de baies placées indépendamment de la structure
Cette approche révolutionnaire de la vie moderne à travers l’architecture s’étendra dans le monde et dans le temps.
Réel manifeste de la pensée de Le Corbusier, la rampe qui débute au rez-de-chaussée, crée une promenade architecturale dans la maison, en passant par l’appartement au premier étage puis par la terrasse-solarium située sur le toit. Comme le disait Le Corbusier, l’escalier « sépare » et la rampe « relie ». La pureté de cette maison est chirurgicale, on l’assimile à une « machine à habiter », c’est-à-dire que chaque espace est destiné à répondre aux besoins fonctionnels et représente le mode de vie des années 30. La lumière, elle, est omniprésente et douce. Elle incite au repos, au calme.
• • • LA CHAISE LC4 - CHARLOTTEPERRIAND
Icone phare du 20ème siècle, Charlotte Perriand (1903-1999), est une pionnière du design français à travers ses réalisations révolutionnaires, qui ont mis en place, aux côtés de Le Corbusier, les fondements du design moderne et ainsi induit un nouvel art de vivre dans nos sociétés.
Ce véritable chef d’œuvre s’inscrit dans la volonté de casser avec le style d’avant, chargé, noble : c’est la modernité. Et comment passer à côté de la LC4, figure du mouvement moderne.
Créée en 1928 par Le Corbusier et Charlotte Perriand, la LC4 est une chaise longue basculante qui s’inspire des rocking chairs. Elle est un symbole de rupture totale entre le mouvement de l’art déco qui prédomine à cette époque. En effet, loin des formes massives, la LC4 se distingue par sa légèreté élégante qui est possible grâce à ses formes anatomiques, et son système de glissement manuel en acier tubulaire provenant des catalogues destinés à l’aviation.
Elle marque le point de départ du mobilier fonctionnel, où l’ergonomie et le confort sont les maîtres mots. Cette « machine à reposer », comme l’appelait Le Corbusier, est un hymne à épuration, au confort et au fonctionnalisme.
Bâti à l’occasion de la foire internationale de Barcelone en 1929, le pavillon allemand était une structure provisoire, mais est devenu un des bâtiments les plus mythiques du 20ème siècle. Son architecte, Mies Van Der Rohe (1886-1969), est allemand et est l’une des figures du fonctionnalisme et de l’École du Bauhaus.
Pionnier du mouvement du modernisme, les aspirations de Mies Van Der Rohe étaient visionnaires car elles dépassaient les règles du fonctionnalisme qui était à son apogée. Pour lui, la beauté est une nécessité et une finalité, et pour y accéder il faut voir au-delà de la simple utilité.
Au-delà de sa philosophie architecturale, cette architecture, ancré dans son contexte, a un rôle majeur pour l’Allemagne aux lendemains de la guerre. En effet, cet édifice veut une image rassurante d’une nouvelle Allemagne : les baies vitrées qui l’entourent montrent l’intérieur, tout est ouvert et rien n’est caché. C’est la demeure tranquille d’une Allemagne pacifique.
Parlons architecture… La composition dynamique du plan de l’édifice, est à la fois symétrie et déséquilibré. Les matériaux sont nobles et esthétiquement magnifiques. Le toit plat et le brouillage entre l’intérieur et l’extérieur sont des composantes intemporelles. Le tout est épuré, simple, évident… Un siècle nous sépare de sa création, pourtant sa modernité est intemporelle et sa pureté irréfutable.
• • • THE FALLING WATER HOUSE - FRANK LLOYD WRIGHT
Frank Lloyd Wright (1867-1959) est un pionnier iconique du 20ème siècle et de l’histoire de l’architecture moderne. Sa philosophie architecturale se caractérise par l’harmonie qu’elle établit entre les hommes et l’environnement, plus communément renommée « l’architecture organique ».
The Falling Water House (1935-1939) est la matérialisation la plus emblématique de ce concept. Située au fin fond de la Pennsylvanie (Mill Run), elle est construite à flanc de roche et constitue « la plus grande œuvre d’architecture américaine de tous les temps » selon l’American Institute of Architects.
La bâtisse, posée à même sur les roches de cette cascade, semble faire partie intégrante de son environnement. Les matériaux ont un rôle primordial : les éléments verticaux sont constitués de pierres du pays, avec des « saillies » ou pierres légèrement en relief afin de prêter à la surface des murs un aspect plus sculptural, les éléments horizontaux sont en béton coulé, les sols sont recouverts de pierre, il en est de même pour les murs. À l’intérieur du bâtiment, la gloire de l’environnement naturel est partout accentuée, introduite et transformée en partie intégrante de la vie quotidienne.
Ne pas déranger ou dénaturiser l’environnement est là le fondement d’une architecture responsable. L’essence même de l’architecture organique consiste à s’entourer d’éléments naturels et construire en cohabitation avec l’architecture biologique qui nous entoure. L’extérieur comme l’intérieur s’associent sereinement avec l’environnement entourant. La nature est partie prenante de l’architecture.
Comme une impression de cabane dans les bois, naïvement bâti sur une cascade. Cette maison est une belle aspiration pour coexister avec la nature, et non la détruire.
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