Oriane Auzerie Dubon - 2 septembre 2021
En juillet dernier, nous sommes allées à la rencontre de l’artiste engagée Nella Fauve dans son atelier en bordure parisienne.
Ce fut un moment très agréable qui nous a permis d’en apprendre davantage sur son travail, ses inspirations, et ses combats qu’elle retransmet au travers de ses peintures.
Nella Fauve est une jeune artiste peintre. Après 9 ans d’études artistiques, elle est arrivée à Paris et s’est installée plus précisément à Montmartre il y a 6 ans et demi.
À ce moment-là, alors qu’elle se sent presque oppressée dans son studio parisien, elle peint des femmes comme si elles étaient enfermées dans le cadre du tableau.
L’inspiration des corps féminins et de leur exploration arrive alors. Elle commence à les peindre de façon de plus en plus abstraite et dessine petit à petit les contours de ce qui sera son style : de l’abstrait-figuratif, ou néo-fauvisme.
Oeuvres "3 Grâces en Vert" et "Flamingo" de l'artiste Nella Fauve dans son atelier
Artiste profondément engagée, elle souhaite et s’attelle à déconstruire le nu féminin. « J’en avais marre de voir que, dans le nu féminin, la femme est plus un objet de fantasme que le véritable sujet de l’œuvre. C’est ainsi que, par les procédés de transformation et de déformation j’ai entrepris de désexualiser le nu féminin. »
Pour se faire, elle déforme les corps et utilise des couleurs fauves, celles qu’on ne retrouve pas sur le corps normalement.
« À l‘époque, les fauvistes ont décidé d’accentuer ces couleurs abstraites, brutes et excessives. »
Malheureusement, elle se rend rapidement compte qu’une grande partie du public continue de voir, dans les corps qu’elle représente, beaucoup de sensualité et de sexualité.
« On a beau déformer pour désacraliser cette sensualité du corps, finalement l’œil continue de voir ce qu’il veut et va alors à l’encontre de ma démarche ».
« J’ai continué dans la recherche de la figuration abstraite. J’exagère les formes du corps pour accentuer ce qui est étrange et dérangeant. Par exemple, la torsion va être extrêmement accentuée grâce à un jeu d’ombres.
Ensuite, j’ai commencé à travailler sur une série d’animaux et j’ai commencé à exagérer également la forme des muscles pour les rendre les plus abstraits possibles. »
En regardant ses œuvres, on se rend compte qu’il n’y a que très rarement un visage de femme associé à un corps. Et cela participe encore à le démystifier. « Pourtant, des personnes continue à y voir encore un corps très sexualisé de femme, alors que la tête est celle d’une girafe. »
Oeuvre "3 Grâces en noir" de l'artiste Nella Fauve dans son atelier
« Selon moi, c’est déjà un acte féministe de ne pas abandonner la création artistique en tant que femme, à l’heure où les hommes artistes sont bien plus représentés. Ce sont encore les hommes qui donnent la direction de l’art contemporain.
Il faut quand même reconnaitre que les lignes commencent à bouger, on en parle de plus en plus. Mais ce n’est pas encore équilibré. »
C’est dans cet esprit, qu’elle cherche à déconstruire le nu-féminin et l’image de la femme hyper-sexualisée. Comme si son œuvre était le cri du cœur de son combat.
« J’ai passé pas mal d’années à déconstruire le nu féminin. Le nu masculin, lorsqu’il est représenté, évoque toujours les valeurs et les positions morales du sujet. Il parle de courage, et personne n’y voit un homme nu et très sexuel. Le nu féminin, c’est tout l’inverse, c’est juste une femme nue, un objet, quelque chose de beau mais vide de valeurs.
Mon ambition est donc de renverser cela et d’exprimer à travers mes nus, une personnalité, les problèmes qu’elle rencontre et des valeurs complexes. »
Oeuvre "In The Box" de l'artiste Nella Fauve
« Cette œuvre exprime l’idée de réflexion. Elle évoque les regrets et les remords. La peinture en arrière-plan représente le passé. C’est d’ailleurs une œuvre très personnelle car la peinture en arrière-plan reprend le style de ce que je faisais avant. Ensuite, la torsion de la femme en premier plan montre qu’elle bataille intérieurement pour aller vers l’avenir.
Beaucoup de personnes me demandent si mes toiles sont des autoportraits. En réalité ce n’est jamais le cas, quand je travaille et quand je pense, ce ne sont pas des questions personnelles que je me pose. Ce sont surtout les sentiments et les émotions qui sont autour de moi, que je capte et retransmets sur la toile. »
Aujourd’hui et plus que jamais, on voit la censure revenir en force. C’est notamment le cas sur les réseaux sociaux. Souvent, les œuvres de Nella sont rejetées sous couvert qu’elles ne respecteraient pas les règles de la communauté.
Elle m’explique d’ailleurs qu’elle a dû se diversifier de plus en plus pour continuer à avoir une exposition digitale et physique.
« Ce qui me dérange c’est à quel point le corps féminin est redevenu, dans l’art, assez censuré. J’ai l’impression qu’au moment où la femme n’est plus représentée comme un objet, elle devient un danger, et ça dérange. On dirait qu’ils ne savent plus comment réagir. Avant c’était clair, mais maintenant qu’on interroge la plupart ne préfère plus voir. »
Linogravures dans l'atelier de Nella Fauve
« Mon sujet restant globalement le même, j’ai souvent besoin de changer de techniques pour ne pas me répéter. Je peins à l’huile, à l’aquarelle ou encore à l’acrylique. À côté de ma peinture, je fais aussi de la linogravure et j’ai créé ma marque de vêtements écologiques sur lesquels j’appose mes dessins.
« Comme je l’ai évoqué je m’inspire beaucoup des peintres fauvistes. Notamment dans l’utilisation de la couleur. Je m’inspire également du cubisme, et globalement des artistes du début du XXème siècle, notamment montmartrois. Egon Schiele est également un artiste dont je m’inspire beaucoup. En effet, il a beaucoup travaillé, lui aussi, sur la déformation et la déconstruction du corps.
Mais bien souvent, lorsque je peins je suis guidée par mon inconscience, la forme se créé sur la toile, et je ne découvre l’inspiration qu’une fois la toile terminée. »
« J’aurais vraiment aimé entendre de ne pas abandonner, de croire en moi et qu’à force de travail on y arrive. Certes, c’est un métier qui demande beaucoup d’investissement, mais ça peut marcher et il ne faut pas se laisser décourager. Alors si j’avais un conseil à donner ça serait lui là : il faut foncer ! »
« Âme de bohème. Au sens la liberté de l’esprit, la joie de vivre, d’être là, de faire de l’art. Le droit d’être vivant de façon générale. »
« La recherche de la vérité cachée des formes »
Nella Fauve est une femme puissante. On retrouve dans son art le cri du cœur d’une femme engagée à la cause de toutes les femmes. Elle déconstruit pour mieux reconstruire. Infiniment inspirante, son art l’est tout autant.
Merci Nella de nous avoir accueilli et d’avoir accepté de partager avec nous ta démarche artistique.
Atelier de Nella Fauve
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