Oriane Auzerie Dubon - 18 février 2021
La semaine dernière j’ai eu un grand plaisir à échanger avec l’artiste dessinateur Hossein Borojeni. Fraichement installé à Nice, il m’a raconté son parcours, ses inspirations et ses œuvres. Autant que son art, Hossein est une personne très inspirante.
rencontre avec un artiste au parcours atypique...
Hossein est un dessinateur français d’origine iranienne. Il est né et a grandi à Téhéran entouré de parents artistes, sculptrice et peintre, tous deux également professeurs à l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Téhéran.
C’est là-bas qu’Hossein a passé son enfance à courir et déambuler dans les couloirs, les ateliers d’artistes et les salles de classe. Dès tout petit, il joue avec l’argile et les peintures.
Il s’amuse à me raconter qu’il n’est pas allé à la maternelle mais directement à la fac.
Depuis petit, il développe une véritable passion pour l’art et notamment le dessin.
« Je me souviens que lorsque j’étais petit, je dessinais partout, sur tous les murs de notre maison. Comme mes parents étaient des artistes ça ne les dérangeait pas et ils m’ont laissé faire avant de repeindre l’appartement à mes 6 ans ».
Lorsque ce n’était pas sur les murs qu’il dessinait, il passait son temps à dessiner à côté de son père dans son atelier.
« Quand j’étais petit, mon père me réservait souvent un petit carré en bas à gauche de ses toiles et je pouvais y faire des dessins. On retrouve encore ces carrés avec mes gribouillis sur plein de ses toiles de cette période. »
Hossein Borojeni enfant dans l'atelier de son père
Hossein et sa famille arrivent en France, à Paris, lorsqu’il a 14 ans. Dans cette ville d’artistes, ses parents se rendent rapidement compte de la difficulté d’en vivre. Conscients de cela, ils encouragent alors leur fils à entreprendre des études d’ingénieurs pour qu’il ait « un vrai métier ». Cette expression marquera beaucoup Hossein.
Après une courte carrière d’ingénieur, sa soif de créativité l’oriente d’abord vers le design où il exerce une dizaine d’années, pour enfin revenir à sa passion d’origine, le dessin, à laquelle il se consacre pleinement depuis 8 ans.
Aujourd’hui, son art est essentiellement figuratif, mais il a emprunté au design l’idée selon laquelle Less is more.
Dans ses dessins, il tente d’éliminer le superflu, de ne conserver que l’essentiel. En cela, l’art chinois ou encore japonais l’ont aussi beaucoup influencé : un seul coup de pinceau est parfois suffisant.
« J’ai vu un ange dans le marbre et j’ai seulement ciselé jusqu’à l’en libérer ». Cette citation attribuée à Michel Ange, Hossein l’interprète de plusieurs manières :
Tout d'abord il pourrait y avoir l’idée selon laquelle la création préexisterait au travail de l’artiste et que celui-ci ne ferait que révéler l’œuvre du Créateur (le divin). Puis, l'idée qu'il suffirait d’enlever le superflu pour révéler la beauté.
L'artiste dessinateur Hossein Borojeni
Pour Hossein, « la feuille blanche est déjà belle. Un dessin doit donc se conjuguer avec ce blanc pour en sublimer la beauté. »
Il y a là une certaine idée du minimalisme :
« Je m’arrête de dessiner dès qu’on arrive à voir les contours de ce que je veux exprimer. Il y a un côté mystérieux et vaporeux dans mes dessins. Je suggère par le dessin et je laisse le spectateur y participer grâce à son interprétation propre. Je le laisse deviner et imaginer le reste. »
« Ce qui m’intéresse c’est la figure humaine et la beauté qui s’exprime à travers elle. En cela je reprends un thème récurrent dans l’histoire de l’art, dans la continuité de l’art antique et de la Renaissance. Les sculpteurs grecs idéalisaient le corps jusqu’à y rechercher les canons de la beauté.
Si ce thème a peu à peu cédé sa place à l’abstraction puis au conceptuel dans l’art, il est devenu un enjeu central pour la mode. Le corps idéalisé des mannequins, principalement féminins, fait l’objet de toutes les attentions et mais aussi de toutes les controverses. Kate Moss est en quelque sorte la nouvelle Vénus de Millo. »
Dessin "Black Bag" par l'artiste Hossein Borojeni
Aujourd’hui Hossein travaille avec de nombreuses Maisons de luxe : Louis Vuitton, Lancôme, Givenchy, Chanel, Cartier…
Il a commencé à travailler dans la mode grâce à un heureux hasard.
En effet, au moment où il commence à partager des clichés de ses dessins sur facebook, il tombe, dans un grand magasin parisien, sur une carte cadeau avec une illustration en aquarelle d’une silhouette de femme, réalisé par l’artiste illustrateur Aurore de la Morinerie.
Alors qu’il n’avait pas conscience de l’existence du métier d’illustrateur de mode, cette découverte apparait comme une révélation.
Il décide alors de quitter le monde du design pour se diriger vers l’aquarelle et le dessin de figure humaine. Il se se rend compte qu’il y a un marché et des clients potentiels pour son art : les Maisons de mode et du luxe.
Repéré par un agent, il commence sa carrière d’Illustrateur de mode en 2003.
Il travaille essentiellement pour les Maisons de couture et de luxe françaises, pour illustrer les campagnes de communication, mais également pour la presse et l’édition.
Son travail d’illustrateur sort parfois du cadre de son atelier pour se produire en public dans le cadre par exemple d’une animation événementielle, un lancement de collection ou un défilé de mode.
« Je dessine aussi parfois les défilés, les robes et autres créations » : il devient donc, par son œil et son dessin, le témoin de la création des couturiers. Alors que le métier d’artiste est essentiellement solitaire, Hossein me livre qu’il aime donc beaucoup travailler dans l’événementiel.
L'artiste dessinateur Hossein Borojeni lors d'un événement SONIA RYKIEL x LANCÔME PARIS
Pour finir notre échange je pose quelques questions à Hossein...
« Si je devais choisir un créateur de mode je choisirais Karl Lagerfeld. C’était un très bon dessinateur et j’aurais aimé le voir dessiner en vrai, échanger avec lui sur nos créations respectives. Selon moi, le dessin n’est pas seulement un outil d’expression mais permet également de pousser les limites de la créativité. J’aurais aimé voir comment Karl Lagerfeld utilise son dessin comme outil de réflexion.
Si je pouvais revenir en arrière c’est l’artiste incroyable Léonard de Vinci que je souhaiterais rencontrer. Pour moi c’est l’artiste complet parce qu’il maitrise l’art et la science, et se sert de l’un pour influer sur l’autre.
Si je devais choisir un artiste vivant, je choisirais Banksy. C’est l’artiste contemporain qui me plait le plus aujourd’hui. Je le trouve visuellement très intéressant. Il habille les murs de poésie. À travers son art, il livre des messages forts, qui nous parlent à tous aujourd’hui ».
« J’ai un parcours atypique, et je me pose souvent la question de savoir si j’aurais dû me lancer dans le dessin plus tôt. Je n’ai pas la réponse.
Je crois que je me dirais que chaque moment a son intérêt. »
L'artiste dessinateur Hossein Borojeni. Revarte Entertainment
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