Younes Kheniche – 12 septembre 2024
Éric Mazurie en action
Il y a quelques semaines, nous avons rencontré Éric Mazurie, artiste peintre. De ses premiers dessins à sa prochaine exposition au monastère d'Ebstorf en Allemagne, voici le parcours d’un créateur qui explore la position de l'homme dans l'univers à travers son art.
Aujourd’hui artiste peintre travaillant dans son atelier à Villejuif, Éric Mazurie, n'a pas toujours envisagé une carrière artistique. Issu d’une famille éloignée du monde de l’art, notre peintre parisien a démontré très jeune une aptitude certaine pour les arts visuels. « J'ai toujours bien dessiné. Enfant, je dessinais des avions, des fusées... », nous a-t-il confié. Pour lui, la peinture n’est pas seulement une fin en soi : « Mon vrai métier, c'est plutôt d'être créateur que peintre. La peinture n'est qu'un support à la création».
Au fil du temps, bien qu'il ait suivi un parcours professionnel classique en banque, son désir de créer est resté intact. Finalement, avec l’évolution de ses compétences, il a décidé de se lancer pleinement dans une carrière artistique. « J'ai toujours eu en moi ce sens artistique, et à un moment donné, on saute le pas ».
Son parcours vers l'art professionnel a commencé par des cours de peinture dans l’atelier du peintre français Alexandre Barbera-Ivanoff, qui l'a introduit à la peinture classique et l'a soutenu dans ses projets.
Eric Mazurie explore dans son œuvre la place de l'homme dans l'univers et l'histoire. Son art se veut une réflexion approfondie sur notre existence, à la fois éphémère et ancrée dans une longue lignée historique.
Son attachement à l'histoire de l'art se manifeste dans son admiration pour des artistes classiques comme Jean-Honoré Fragonard, dont il apprécie la virtuosité, l'énergie et l'humour. Mais aussi des artistes contemporains comme Gérard Fromanger et Gerhard Richter chez lequel Éric apprécie particulièrement la manière dont il s'inscrit dans son passé, notamment à travers ses séries de tableaux basées sur des photographies en noir et blanc.
Pour Éric, l'homme est un être infime dans l'immensité cosmique, mais également le dernier maillon d'une chaîne historique complexe. « On est une poussière d'étoiles, et la manière dont nous nous intégrons sur Terre, avec les autres peuples et dans le cosmos, m'intéresse énormément ».
Cette dualité se retrouve dans ses créations avec notamment ses œuvres sur les galaxies où sa série Infiniment humain illustre cette vision.
NGC 2818 (1ère image) et NGC 4038 (2ème image) - Éric Mazurie
Eric ne se contente pas de créer des œuvres d'art, il cherche à susciter une réflexion sur la place de l'homme dans l'univers, nous invitant à voir au-delà de l'apparence pour comprendre notre rôle dans une histoire plus vaste.
Son processus de création artistique se divise en deux étapes distinctes. La première consiste à concevoir l'idée : « Ça peut venir n'importe où, n'importe quand : au travail, en regardant la télé, dans le métro. Il n'y a absolument aucune logique pour avoir l'idée de base.. » Les sources d'inspiration de l'artiste sont diverses et variées. Il rejette l'idée d'une formule magique pour la création préférant laisser place au mystère et à l'imprévu : « Je ne crois pas qu'il y ait une recette de cuisine qui ferait qu'on arriverait à tous les coups à produire quelque chose qui serait un chef-d'œuvre ».
Une fois l'idée en tête, il entreprend une recherche approfondie. Par exemple, pour une carte du Moyen Âge utilisée dans l’une de ses œuvres, Éric a passé des heures à la traduire du latin. Ce travail minutieux et rigoureux est comparable à labourer un champ : « une idée émerge, et il s'agit alors de la développer pour en faire un projet concret ».
Mean ruz – Éric Mazurie
La seconde étape, celle de la réalisation, nécessite un cadre spécifique. « Il vaut mieux être dans un endroit où on peut laisser son bazar et ne pas être dérangé. Donc oui, c'est important d'avoir un atelier pour faire cette phase-là ».
Éric utilise principalement l'acrylique et la peinture à l'huile. Une caractéristique de ses œuvres réside dans les panneaux de bois qu'il découpe lui-même, nécessitant un processus méticuleux de superposition de couches de peinture et de vernis. Cette approche artisanale et précise revêt pour lui une forme de méditation. Chaque étape, de la découpe des panneaux de bois à l'application de la peinture et du vernis, exige une attention particulière aux détails. « C'est cette minutie qui me permet de créer des œuvres satisfaisantes ». Ce souci du détail permet à chaque toile de dévoiler sa propre histoire et personnalité, rendant chaque création unique.
Ainsi, Éric démontre que l'art n'est pas seulement une question de talent, mais aussi de passion, de rigueur et de travail acharné.
L'artiste a récemment dévoilé un projet marquant sa carrière : une exposition qu'il qualifie de l’exposition de ses rêves. Celle-ci se tiendra dans un lieu empreint d'histoire et de symbolisme : le monastère d'Ebstorf en Allemagne, un couvent de femmes où une carte du monde fut réalisée au 13ᵉ siècle.
En évoquant ce projet, l'artiste partage son enthousiasme et son émotion : « Je vais exposer dans ce monastère, exactement où cette carte a été faite il y a 800 ans, avec mon projet basé sur cette carte. J'ai obtenu l'accord de l'abbesse, puisque le monastère est toujours actif. Le cloître est un lieu absolument extraordinaire ».
« Le paradis est un endroit charmant » Œuvre issue de la prochaine exposition d’Éric Mazurie au monastère d'Ebstorf
L'exposition, prévue du 19 au 31 octobre 2024, mettra en avant une série de 12 tableaux formant un disque et représentant une carte du monde inspirée de la carte médiévale. Chaque tableau illustrera les perceptions de l'artiste sur les différentes cultures du monde, offrant une réflexion sur les croyances et stéréotypes persistants. « Cette carte du Moyen Âge avait des phrases complètement fabuleuses, sur le coup ça fait sourire. Et puis après, je me suis dit qu'en fait, on a tous encore des croyances un peu ridicules », explique-t-il.
Cette œuvre est une exploration des idées et des perceptions humaines, intégrant des citations étonnantes de la carte originale, telles que : Les Mauritaniens ont quatre yeux, c'est pour ça qu'ils tirent bien à l’arc. Ces éléments apportent une dimension historique et ludique à l'œuvre, tout en interrogeant nos propres préjugés modernes.
L'artiste est particulièrement fier de ce projet ambitieux, qui représente non seulement une création artistique unique, mais aussi un événement culturel significatif. Pour lui, ce projet ne constitue pas seulement un accomplissement artistique, mais aussi une célébration de l'histoire et de l'humanité, un pont entre le passé et le présent, ancré dans un lieu d'une grande signification historique.
« Les sirènes d'Arabie » Œuvre issue de la prochaine exposition d’Éric Mazurie au monastère d'Ebstorf
Cependant, pour Éric Mazurie, être artiste ne se résume pas uniquement à la peinture. La plus grande épreuve qu'il a dû surmonter provient d'un domaine extérieur à celui de l'art. « Le plus gros défi auquel je ne m’attendais pas vraiment, c'est que la peinture n’est qu'une partie du travail. Il y a une grosse partie qui consiste à mettre à jour son site internet, mettre à jour son Instagram, trouver des expositions.... » Cette réalité exige que l'artiste soit un véritable homme-orchestre maîtrisant divers aspects de la promotion et de la gestion de sa carrière. Des compétences qui, bien que contraignantes, lui ont été très enrichissantes.
Éric Mazurie avec l’œuvre NGC 3132 issue de sa prochaine exposition au monastère d'Ebstorf
L'aboutissement de tout ce processus se manifeste naturellement dans la vente. Pour Éric, la première transaction reste un moment marquant. « Je m'en souviens bien, c'est un énorme plaisir d'être valorisé ». Cette reconnaissance va au-delà de la simple vente, elle constitue un témoignage direct de l'impact émotionnel et esthétique de son travail sur les autres. Pour Éric, chaque vente représente non seulement une réussite financière, mais aussi un encouragement à continuer sa passion malgré les nombreux défis du métier.
Pour l’artiste, le succès de son œuvre réside dans sa capacité à être multiforme, pas monovalente, permettant à chacun d'y trouver un intérêt particulier. Il souhaite que ses créations ne se contentent pas d’être simplement décoratives mais qu'elles incitent à la réflexion et à la contemplation. Il exprime une vision ouverte et dynamique de la réception de ses œuvres par le public.
Lorsqu'il parle de la perception de ses créations, il insiste sur l'importance de l'appropriation par le spectateur, soulignant son intérêt pour les interprétations multiples et parfois divergentes de son travail. « J'aime bien que les spectateurs s'approprient l'œuvre, certains découvrent dans mes œuvres des significations inattendues et personnelles que je n’avais pas du tout en tête ».
Cette aspiration à stimuler la pensée et à provoquer des interprétations variées révèle une ambition de créer des œuvres qui dépassent la simple esthétique pour toucher à des dimensions plus profondes de la perception humaine.
Éric Mazurie à l'ARToulous'Expo 2023
En termes d'évolution artistique, Éric Mazurie reconnaît que son style n'a pas fondamentalement changé, mais que ses concepts ont évolué. Il mentionne une évolution notable dans sa méthode de création, notamment en travaillant sur des panneaux de bois aux dimensions atypiques, sans angles droits. Cette évolution technique vise à rendre ses œuvres plus complexes, témoignant de son désir constant d'innover et de repousser les limites de sa pratique artistique.
Quant à l'avenir, Éric est plein d'ambition. Il souhaite poursuivre son chemin d'inventeur et tenter d'en vivre. « J'ai plein d'idées. Je sais déjà ce que je vais faire après le projet que j'ai en cours. C'est très excitant, cette partie création, et je veux pouvoir continuer ainsi ».
Création, univers, humanité.
La collaboration avec The Art Cycle a été une étape importante pour l'artiste, qui a rejoint la galerie il y a un an. Ses œuvres, imposantes, sont destinées à des entreprises ou institutions, plutôt qu'à des particuliers. « Ce que je fais ne s'adresse pas vraiment à un public de particuliers. Par exemple, ce fameux disque, qui va faire 3 mètres 50 sur 3 mètres 50, ne rentre pas dans une cuisine ».
Il voit ainsi dans son association avec The Art Cycle une opportunité de toucher un public professionnel, ce qui correspond parfaitement à ses besoins. « Ça me soulage d'une partie de ce marketing qui est long à gérer, donc oui, je suis content d'être dans cette galerie » a-t-il conclu.
Éric Mazurie incarne une ferveur artistique et une quête intellectuelle à travers son art. Son parcours illustre une détermination incessante à interroger notre existence éphémère et notre héritage historique à travers des projets ambitieux.
Chez The Art Cycle, nous sommes fiers de compter parmi nous des artistes comme Éric, qui allient talent, rigueur et passion.
Un grand merci à lui pour cet échange !
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