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L’ Art Conceptuel

HISTOIRE DE L'ART 

Younes Kheniche - 01 août 2024

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L'art conceptuel, mouvement apparu dans les années 1960 aux États-Unis, a radicalement transformé la perception artistique en privilégiant les idées plutôt que les objets traditionnels. Aujourd'hui, The Art Cycle vous invite à découvrir ce courant provocateur qui a remis en question les notions de beauté, de valeur et de matérialité dans l'univers artistique.

• • • Les balbutiements de l’art conceptuel

L'art conceptuel prend ses racines dans les avant-gardes du début du 20e siècle. À cette époque, le dadaïsme, le surréalisme et un peu plus tard le minimalisme ont émergé pour défier les normes artistiques et s'aventurer vers de nouvelles formes de création. Ces mouvements ont suscité une réflexion approfondie sur la nature de l'art et son rôle dans la société. Ils se distinguaient des courants antérieurs par leur rejet des standards esthétiques établis, leur valorisation de l'irrationalité et de l'absurde, ainsi que leur critique radicale de la quête de sens dans l'art.

Assimilé aux mouvements dada et surréaliste, Marcel Duchamp est considéré comme le principal pionnier de l'art conceptuel. L'un de ses actes les plus révolutionnaires fut la présentation de son œuvre « Fountain » en 1917.

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Fountain, Marcel Duchamp (1917) - photo de Alfred Stieglitz

Cette œuvre, un simple urinoir en porcelaine signé « R. Mutt », a radicalement bouleversé les notions traditionnelles de l'art. En désignant un objet manufacturé comme œuvre d'art, il a défié les conventions de son époque et ouvert la voie à de nouvelles formes d'expression. Cela a donné naissance à son concept de « ready-made » , des objets du quotidien sélectionnés et exposés comme des œuvres artistiques. Parmi les exemples notables figurent « Bicycle Wheel » (1913), une roue de bicyclette montée sur un tabouret, et « Bottle Rack » (1914), un porte-bouteilles en métal. Avec cette approche, Duchamp a démontré que l'art n'a pas besoin d'être créé de toutes pièces ; au contraire, la simple sélection par l'artiste suffit à en faire une œuvre d'art, posant ainsi les bases de la réflexion conceptuelle. 

Bicycle Wheel (1ere image) et Bottle Rack (2nd image) de Marcel Duchamp © Association Marcel Duchamp, ARS, NY

Cependant, bien que l'art conceptuel ait fait sa première apparition en 1917, c'est véritablement à partir des années 60-70 qu'il connaît un essor significatif, en réaction contre le matérialisme et le formalisme de l'art moderne. 

• • •  Quand l'idée prend le pas sur la forme

En 1967, dans un essai intitulé « Paragraphs on Conceptual Art », Sol LeWitt, artiste et théoricien américain, a affirmé que « l'idée ou le concept est l'aspect le plus important de l'œuvre ». Cette déclaration verbalise les fondements de l'art conceptuel, qui repose sur la primauté du concept ou de l'idée sur l'exécution ou la forme physique d'une œuvre. Cette approche révolutionne la notion traditionnelle de l'art comme objet esthétique et tangible, en mettant l'accent sur le processus intellectuel et l'intention de l'artiste.

Les artistes conceptuels cherchent à exprimer leurs idées de manière à ce que l'œuvre devienne un vecteur de pensée plutôt qu'un simple objet de contemplation. Pour eux, l'art réside non pas dans l'objet physique, mais dans le concept qu'il incarne. Ce déplacement de la valeur de l'œuvre, de l'objet vers l'idée, constitue une véritable révolution dans la manière de concevoir l'art.

Cette perspective se traduit souvent par l'utilisation de moyens non conventionnels pour créer des œuvres. Les artistes conceptuels peuvent recourir à des photographiesEvery Building on the Sunset Strip » d'Ed Ruscha, 1966), à des installationsThe Weather Project » d'Olafur Eliasson, 2003) ou à des performancesSeedbed » de Vito Acconci, 1972) pour communiquer leurs idées. Le texte peut être utilisé seul ou en combinaison avec d'autres médiums pour clarifier ou complexifier le sens de l'œuvre.

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A Wall Pitted By A Single Air Rifle Shot de Lauwrence Weiner. © 2024 Lawrence Weiner, ARS, NY 

On peut citer comme exemple les créations de Lawrence Weiner. Son œuvre « A Wall Pitted By A Single Air Rifle Shot » (1969) est composée uniquement de cette phrase écrite sur un mur. Weiner ne crée pas un objet physique mais propose une idée qui évoque une image mentale et suscite des questions chez le spectateur : Qu'est-ce que cette phrase signifie ? Quel est le contexte de ce « tir » ? Le spectateur est invité à réfléchir sur la signification et les implications de ces mots, plutôt que d'admirer une forme esthétique particulière. 

• • • Entre rire, subversion et réflexion  

En privilégiant l'idée sur la forme, les artistes conceptuels cherchent à engager le spectateur de manière intellectuelle plutôt que simplement esthétique. Ils explorent des thèmes tels que la nature de l'art, la perception, la communication et le rôle de l'artiste dans la société. L'œuvre devient une invitation à réfléchir, à questionner et à interpréter, plutôt qu'à simplement admirer.

C'est notamment pour cette raison que les artistes conceptuels recourent souvent à l'humour dans leurs œuvres. Ce dernier désarme le spectateur, rendant l'œuvre plus accessible et engageante. Il crée une connexion immédiate et personnelle, incitant à une exploration plus profonde des idées sous-jacentes. De plus, en employant l'humour, les artistes peuvent critiquer et remettre en question les normes et conventions artistiques de manière subtile et non agressive.

Un autre objectif fondamental de l'art conceptuel est de questionner la matérialité et la commercialisation de l'art. En favorisant les idées, souvent exprimées à travers des moyens éphémères ou non tangibles comme les instructions ou les performances, l'art conceptuel défie la marchandisation de l'art et l'idée que sa valeur réside dans son objet physique. Cela permet également une certaine démocratisation de l'art, car les œuvres conceptuelles peuvent souvent être reproduites ou expérimentées sans les barrières traditionnelles de coût et d'accès.

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Comedian de Maurizio Cattelan. © Jessica Klingelfuss

Un exemple remarquable intégrant tous ces éléments est l'œuvre « Comedian » de Maurizio Cattelan (2019), qui consiste en une banane scotchée au mur avec du ruban adhésif gris. Cette pièce mise sur la simplicité et l'absurdité en présentant un objet ordinaire comme une œuvre d'art. Cattelan critique subtilement la valeur attribuée à l'art, la spéculation sur le marché et la perception des œuvres par le public et les collectionneurs.

En défiant les conventions artistiques, l'art conceptuel ouvre de nouvelles perspectives sur le rôle de l'art et de l'artiste dans la société. L'artiste devient un penseur et un communiquant, dont le rôle est de provoquer des questionnements et de susciter des débats sur des questions essentielles de la condition humaine, de la culture, et de la société.

• • • 3 artistes représentatifs de l’art conceptuel 
Sol LeWitt : Le théoricien de l’art conceptuel 
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Photo de Sol LeWitt, 1978. © Getty Images

Comme évoqué précédemment, Sol LeWitt est une figure iconique de l'art conceptuel, célèbre pour ses structures géométriques et ses dessins muraux. Né en 1928 à Hartford, aux États-Unis, il a étudié les beaux-arts à l'Université de Syracuse. Par la suite, il a travaillé comme graphiste pour le magazine Seventeen et dessinateur pour l'architecte I. M. Pei, influençant ainsi son approche méthodique de l'art.

LeWitt est fortement influencé par les œuvres minimalistes et les écrits de ses contemporains, ainsi que par les structures logiques et les formes géométriques. Il commence à explorer l'art conceptuel dans les années 1960.

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Wall Drawing #118 de Sol LeWitt, par Anthony Warnick 

La série d’œuvres « Wall Drawings » initiée par LeWitt en 1968 constitue indéniablement l’une de ses créations phares. Elles se caractérisent par des instructions précises fournies par l'artiste, permettant à d'autres de réaliser les dessins. Par exemple, « Wall Drawing #118 » (1971) repose sur des directives détaillées pour tracer des lignes droites, diagonales et des arcs sur un mur. En suivant ces consignes, on obtient des compositions géométriques complexes, pouvant être reproduites à l'infini tout en restant uniques à chaque exécution. Cette méthode met en lumière l'importance du concept par rapport à l'exécution matérielle, remettant en question les notions traditionnelles d'authenticité et d'originalité dans l'art. 


Daniel Buren : l’architecte disrupteur
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Photo de Daniel Buren. © Galerie Xavier Hufkens

Né en 1938 à Boulogne-Billancourt, Daniel Buren est un artiste français de renom, célèbre pour ses interventions in situ (sur place), mettant en scène des bandes verticales de 8,7 cm de large. Après des études à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, il débute sa carrière en explorant diverses formes d'expression artistique. Il se spécialise ensuite dans l'utilisation régulière de bandes verticales, devenues sa marque de fabrique, souvent appelées, « outil visuel ». Ces formes simples, mais provocatrices, suscitent la controverse et, fidèle à la tradition conceptuelle, interrogent notre perception de l'espace et du contexte architectural.

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Les Deux Plateaux de Daniel Buren. © Photo Nawal CC BY-SA 2.0

Les œuvres de Buren se distinguent par leur capacité à transformer et à interagir avec l'environnement architectural et urbain. Une de ses créations les plus emblématiques est les « Les deux plateaux » (1985-1986), une installation permanente dans la cour du Palais Royal à Paris. Cette œuvre, constituée de colonnes de marbre de différentes hauteurs disposées de manière ordonnée, se distingue par son intégration à la fois harmonieuse et perturbatrice dans un cadre historique. Le contraste entre l'architecture classique du Palais Royal et les colonnes contemporaines rayées en noir et blanc a choqué de nombreuses personnes, certains y voyant une intrusion moderne dans un espace historique. En utilisant des formes simples, Buren examine la nature de l'art et son interaction avec le monde, faisant de lui une figure clé de ce mouvement.


Joseph Kosut : Le maître du langage et des signes
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Photo de Joseph Kosuth © Max Tomasinelli

Joseph Kosuth, né en 1945 à Toledo aux États-Unis, est un artiste conceptuel et théoricien de renom, célèbre pour ses œuvres centrées sur le langage et la philosophie. Diplômé de l'Art Institute of Chicago et de la School of Visual Arts de New York, il est fortement influencé par la philosophie du langage de Wittgenstein et les « ready-mades » de Duchamp, ce qui l'amène à explorer les liens entre langage, art et signification.

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One and Three Chairs de Joseph Kosuth. © Joseph Kosuth

Une de ses œuvres les plus célèbres est « One and Three Chairs » (1965). Cette installation comprend une chaise physique, une photographie de cette chaise et une définition du mot « chaise ». L'œuvre examine la relation entre l'objet, son image et sa description linguistique. En juxtaposant ces trois représentations différentes d'une chaise, Kosuth pose des questions sur la nature de la représentation et de la perception, soulignant que la signification d'un objet n'est pas intrinsèque mais dépend de son contexte et de l'interprétation du spectateur.

• • • Mot de la fin

Duchamp, LeWitt, Buren, Kosuth, ou encore Weiner, chacun de ces artistes a transformé l'art en privilégiant l'idée et la réflexion intellectuelle. Véritable melting pot d'influences et de courants artistiques, l'art conceptuel continue de défier les notions traditionnelles de l'art et d'inspirer de nouvelles générations.


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