Oriane Auzerie Dubon - 11 février 2021
Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique du XXème siècle qu'André Breton définit en 1924 comme « un automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale », dans son Manifeste du Surréalisme .
Afin de comprendre ce mouvement du surréalisme, il est important de comprendre le contexte de son émergence.
Tout d’abord, ce mouvement arrive en Europe et particulièrement en France au moment de l’après-guerre, où l’horreur de celle-ci est encore très présente dans les esprits.
Les personnes, comme les artistes, veulent lâcher prise, découvrir de nouvelles choses, abandonner la raison au profit de la liberté.
Le mouvement dada est un mouvement du début du XXème siècle, qui influencera beaucoup le surréalisme. Ce mouvement démarre à Zurich et est porté par Tristan Tzara.
Nihiliste, ce mouvement dada a vocation à déconstruire les valeurs et principes établis. En effet, rejetant leur époque, les artistes remettent en cause les conventions établies, qu’elles soient idéologiques, esthétiques ou politiques.
Aussi, ils clament leur indépendance, sont révoltés et révolutionnaires. Ils sont contre tout, ils provoquent, expérimentent leur art et font n’importe quoi sur la scène du Cabaret Voltaire, quitte à provoquer huées et scandales.
Représentation du Cabaret Voltaire, Marcel Janco, Huile sur toile, 1916
C’est dans cette lignée qu’émerge, quelques temps après, le surréalisme. Porté notamment par André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault, il s’agit d’un courant littéraire et artistique, comme l’était le dadaïsme.
C’est à la fin des années 1890 que Freud découvre et théorise la « psycho-analyse ». Ses recherches et travaux, sur l’inconscience notamment, vont influencer les surréalistes.
Selon lui, notre inconscience guiderait grand nombre de nos actions sans que l'on ne s’en rende compte véritablement. Dans ses travaux il commence par constater l’existence des maladies mentales et affirme qu’elles doivent pouvoir s’expliquer.
Selon lui notre psychisme serait divisé en trois parties : le « Moi », le « Ça » et le « Surmoi ». Le « Moi » serait la conscience de la personne (la pensée, la mémoire, l’imagination…), le « Ça » représenterait les désirs pulsionnels guidés par l’inconscience de l’esprit et le « Surmoi » correspondrait aux valeurs morales et acceptables de l’individu.
Le « Ça » serait donc censuré par le « Surmoi » et il en résulterait le « Moi ».
Il y aurait un combat interne perpétuel entre le « Moi » conscient et le « Ça » inconscient. Et ce combat serait à l’origine des troubles mentaux.
Il explique aussi que notre inconscient (notre « Ça ») s’exprime à travers nos rêves, nos lapsus, nos actes manqués et considère que ces actes sont porteurs de sens et veulent exprimer quelque chose de notre inconscient, de nos pulsions.
Il y a bien dans nos rêves, par exemple, des choses qui nous échappent mais ils ont souvent un rapport avec notre vie, notre interprétation ou encore nos angoisses. Nos rêves ont tendance à déformer la réalité. C’est en cela que Freud influencera les surréalistes.
En effet, la puissance du rêve est très importante chez les artistes et littéraires de ce mouvement.
Plusieurs caractéristiques se distinguent dans ce mouvement.
Tout d’abord, les littéraires et artistes vont utiliser le psychique dans leurs créations et notamment le rêve et l’inconscient. Ils vont aussi rejeter les conventions et prôner une grande liberté artistique. André Breton parle de « la libération de l’esprit » de ces règles établies. Il dit que les surréalistes recherchent « une conscience plus nette et passionnée du monde sensible ». Dans cette phrase on comprend plusieurs choses : la conscience dont il parle semble être l’inconscience. On serait selon lui davantage conscients des choses dans un état de rêve par exemple. On serait aussi plus passionnés, car plus libres.
Chez les surréalistes, on va retrouver ce rêve et cette inconscience à deux égards : la façon dont ils conçoivent leurs œuvres, mais aussi les symboles qu’on retrouve dans celles-ci.
En effet, les surréalistes vont utiliser plusieurs techniques de création presque inconscientes.
On peut évoquer par exemple « l’écriture automatique » d'André Breton. Il s’agit là d’écrire le plus rapidement possible ses pensées dans un état de presque inconscience, entre veille et sommeil.
Écriture automatique, André Breton, 1934
« Le torrent automobile du sucre candi prend une écharpe un long frisson végétal essuyant les débris du style corinthiens »
Cette technique fait d’ailleurs bien écho à la définition du surréalisme qu’il donnait, lorsqu’il disait qu’il s’agissait d’un « automatisme psychique pur ».
On peut également évoquer la technique des « récits de rêve » : il s’agit là d’écrire son rêve dès le réveil, lorsque l’on est encore dans un état de demi-conscience, pour essayer d’en retenir les sens et symboles.
On retrouve également la notion de rêve dans les œuvres des surréalistes et les symboles qu’ils utilisent.
En effet, ils tendent à explorer et restituer l’inconscient. Il y a dans les œuvres surréalistes une dimension poétique et onirique très importante. Les artistes vont exprimer leurs rêves et ce qu’ils en tirent. On voit dans leurs œuvres que des éléments du réel se mêlent avec des éléments de l’imaginaire. Pour comprendre, regardons et décortiquons quelques œuvres surréalistes.
1. "Tentative de l'impossible" de René Magritte, 1928
Peintre Belge, René Magritte appartient d’abord au mouvement Dada avant de rejoindre en 1926 le groupe surréaliste de Bruxelles. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des maitres de ce mouvement.
Il disait « tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique ».
On retrouve assez clairement ce côté énigmatique dans ses toiles. En effet, à travers ses œuvres il interroge la réalité et notre perception de celle-ci. Est-ce que ce que nous voyons est bien réel ? Pas forcément, comme l’illustre, par exemple, un des tableaux les plus connus « La trahison des images », 1929, sur lequel on voit une pipe avec la phrase « Ceci n’est pas une pipe ».
On retrouve ce questionnement entre perception et réalité dans l’œuvre présentée ici « Tentative de l’impossible ». La femme, en face du peintre, semble réelle, en chair et en os grâce à ses proportions humaines et réalistes. Mais on voit bien que la femme est l’œuvre du peintre (Magritte lui-même ?). Ce trompe-l’œil, presque parfait, vient jouer avec notre imaginaire et perception.
2. "Le palais à 4 heures du matin" d'Alberto Giacometti, 1932
Photographie de Man Ray
Alberto Giacometti, artiste suisse, adhère au mouvement surréaliste au début des années 1930 et jusqu’à 1935 à peu près. Toutefois, le surréalisme et ses symboles oniriques et métaphoriques jouent un rôle très important tout au long de sa création.
À propos de cette œuvre « La palais à 4 heures du matin » Giacometti raconte qu’il l’a assemblée petit à petit, en mémoire de « six mois passés avec une femme qui, concentrant en elle toute la vie, portait chaque instant sur un plan d’émerveillement pour moi. Nous construisions un fantastique palais dans la nuit (…) un très fragile palais d’allumettes : au moindre faux mouvement toute une partie de la minuscule construction s’écroulait ; nous la recommencions toujours. »
Cette œuvre serait donc la représentation métaphorique de leur relation.
Il s’agit d’une œuvre assez onirique et fantasmatique. L’objet du milieu donne une dimension sexuelle à cette œuvre construite lors d’une période « de six mois passés heure par heure avec une femme » et l’oiseau en cage qu’on peut voir en haut à droite est plein de symboliques.
Concernant la statue de femme qu’on voit sur la gauche, l’artiste dit « je découvre ma mère, telle qu’elle a impressionné mes premiers souvenirs ».
3. « Apparition d’un visage et d’un compotier sur une plage », Salvador Dalí, 1938
Salvador Dalí, peintre espagnol, est également un des maîtres du mouvement du surréalisme. Il disait même d’ailleurs « le surréalisme, c’est moi ! ».
Il est également connu pour être l’inventeur de la paranoïa-critique. Il définit ce procédé de création comme « une méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basée sur l’objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes ».
En d’autres termes, il s’agit d’utiliser dans ses toiles des images doubles, presque invisibles, rendant la perception au premier abord plus complexe qu’elle n’y paraît.
E.H Gombrich, historien de l’art, disait que dans les œuvres de Dalí « la forme représente plusieurs choses à la fois ». Dans l’œuvre de Dalí, et des surréalistes en général, on va plus loin que ce que l’on voit. Plusieurs interprétations sont possibles, et l’imaginaire du spectateur, autant que de l’artiste, a un rôle fondamental. Le réel et l’imaginaire s’entrechoquent pour former une peinture de rêve.
Dans la toile présentée ici « Apparition d’un visage et d’un compotier sur une plage » on voit bien que la forme représente plusieurs choses.
En effet, en haut à droite, l’œuvre, les montagnes, la mer, le tunnel et le viaduc représentent également une tête de chien. Le viaduc devient son collier. Le corps du chien, comme suspendu, est également un compotier avec ses poires, qui devient lui-même si on regarde attentivement, le visage onirique d’une petite fille dont les yeux sont représentés par des coquillages.
Le surréalisme, porté par bien des auteurs littéraires et des artistes, est un mouvement artistique qui aura largement marqué le XXème siècle.
Les surréalistes créent des images fantastiques et oniriques et donc une nouvelle réalité qui emprunte beaucoup à l’imaginaire. Affirmant rejeter les conventions établies, les surréalistes abandonnent également la raison suggérant ainsi que « la déraison seule peut conduire à l’art ».
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