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Les 5 femmes artistes méconnues de l'histoire de l'art

HISTOIRE de l'art

Julia Lhôte - 15 Juin 2023

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Guerrilla Girls, Do Women Have To Be Naked To Get Into the Met. Museum ? (1989) ©TateMuseum

Souvent oubliées, les femmes ont pourtant joué un rôle crucial dans l’histoire de l’art. Cette semaine découvrez 5 de ces femmes, d’abord comment elles ont influencé l’art au fil du temps et ensuite à quels défis elles ont dû faire face.

• • • Les femmes dans l’art

Souvent reléguées au rang de muse ou de modèle d’artiste masculin, les femmes artistes ont été sous-représentées et marginalisées pendant des siècles en raison des normes sociales et des inégalités de genre. Étant pourtant la base des dessins de nu, les femmes n’ont été autorisées à découvrir cette pratique qu’au début du XIXème siècle, et seulement sur des modèles masculins en caleçon. C’est à cette même période que les institutions d’enseignement d’art commencent à ouvrir leurs portes aux femmes, ce qui représente l’entrée des femmes dans le monde de l’art.

Néanmoins, quelques femmes artistes ont réussi à surmonter ces obstacles et ont apporté d’importantes contributions à l’histoire de l’art. Certaines ont réussi à se faire un nom, comme Frida Kahlo ou Niki de Saint Phalle, mais bien d’autres restent méconnues.


Cette semaine, The Art Cycle vous fait découvrir Artemisia Gentileschi, première femme acceptée à l’Académie de dessin ; Elisabeth Vigée – Le Brun, peintre officielle de Marie-Antoinette ; Margaret Keane, héroïne de l’histoire dont le film Big Eyes de Tim Burton est tiré ; Rosa Bonheur, première femme artiste à recevoir la légion d’honneur ; et Dora Maar, muse et amante de Picasso, mais pas que…


Née à Rome en 1593, Artemisia Gentileschi est une artiste peintre italienne qui a connu un succès retentissant avant de tomber dans l’oubli, et dont le travail est aujourd’hui progressivement étudié.

Pendant sa jeunesse, son père, Orazio Gentileschi, peintre baroque de renom, l’a formée à l’art du dessin et de la peinture. Son père étant un ami du célèbre peintre Caravage, Artemisia s’inspire de son style et en tire deux enseignements : la technique du clair-obscur, et la représentation réaliste des figures humaines. A seulement 17 ans, elle réalise sa première œuvre intitulée « Suzanne et les vieillards », qui témoigne déjà de son immense talent.

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Suzanne et les vieillards, Artemisia Gentileschi

Malheureusement, à l’âge de 19 ans, la jeune artiste est confrontée à un terrible traumatisme. Elle est victime d’un viol par son professeur d’art, un des collaborateurs de son père. À la suite de cet événement, sa réputation est mise à mal par le procès, durant lequel elle subit d’humiliantes tortures gynécologiques pour vérifier la véracité de ses accusations. Son agresseur sera finalement condamné à 5 ans d’exil.

Après cette épreuve, l’artiste reprend la peinture et intègre parfois son propre personnage dans la peau de ses héroïnes. On le remarque notamment dans son œuvre « Judith décapitant Holopherne », qui serait la représentation de sa vengeance envers son agresseur.

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Judith décapitant Holopherne, Artemisia Gentileschi

Elle continue néanmoins la peinture, et son succès lui permet d’être la première femme à être acceptée à l’Académie de dessin. Son père déclara même d’elle :

« Artemisia est devenue si habile que je n’ai aucun mal à affirmer qu’elle est aujourd’hui sans égal. En effet, elle a produit des œuvres qui démontrent un degré de compréhension que même les grands maîtres de la profession n’ont peut-être pas atteint. »

Artemisia Gentileschi est considérée comme une icône de l’art féministe, à la fois à cause de ses mésaventures personnelles et des thèmes de ses œuvres.   

Née à Paris en 1755, Elisabeth Vigée – Le Brun est l’une des portraitistes les plus talentueuses de son époque.

Dès son plus jeune âge, elle nourrit une passion pour le dessin, encouragée par son père qui lui enseigne les rudiments de l’art. A l’âge de 15 ans, elle réalise son premier tableau reconnu, un portrait de sa mère, démonstration éclatante de son talent. Quatre ans plus tard, elle intègrera l’Académie de Saint Luc dont faisait partie son père.

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Mme Le Sèvre, Elisabeth Vigée – Le Brun. Portrait de la mère d’Elisabeth

En 1776, Elisabeth est appelée à travailler à la cour de Louis XVI. Deux ans plus tard, elle est nommée peintre officielle de la reine Marie-Antoinette, avec qui elle développe une véritable amitié. Ce fut la première fois en France que le pouvoir monarchique féminin mit en valeur une femme artiste.

Elisabeth était reconnue pour sa capacité à donner une image flatteuse, au physique comme au moral, des grands personnages de l’Ancien Régime. Dans son recueil « Souvenirs », elle écrit : « Je tâchais, autant qu’il m’était possible, de donner aux femmes que je peignais l’attitude et l’expression de leur physionomie ». Grâce à la reine, l’artiste est admise à l’Académie Royale.

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Archiduchesse Marie-Antoinette, reine de France, Elisabeth Vigée – Le Brun

Contrainte de quitter Paris pendant la Révolution française en raison de sa proximité avec la famille royale, elle se retrouve exilée pendant douze ans. Malgré cela, elle arrive à maintenir son succès en devenant la portraitiste de la haute aristocratie du Royaume de Naples, de l’empereur de Vienne, ou encore de l’empereur de Russie.

De retour en France en 1805, elle y poursuit son travail en tant que portraitiste. En 1835, elle publie ses « Souvenirs » qui connaîtront un grand succès. Il s’agit d’un recueil dont chaque volume se termine par la liste des tableaux et portraits réalisés par l’artiste dans les différentes époques de sa vie. Dans l’ensemble, son œuvre comprend 662 portraits et près de 200 paysages.

Née à Bordeaux le 16 mars 1822 sous le nom de Marie-Rosalie, Rosa Bonheur incarne la figure transgressive par excellence qui brise les tabous de son époque. Son père, Raimond Bonheur, est professeur de dessin et l’initie très tôt à la peinture. A 13 ans, Rosa abandonne son travail de couturière pour se consacrer entièrement à la peinture et au dessin. Ayant grandi à la campagne, elle s’inspire des paysages qu’elle connaît pour peindre ses tableaux, et commence déjà à briser les barrières.

Avec son regard déterminé, sa chevelure coupée court et son franc parler, elle bouleverse les normes de féminité, affiche son homosexualité et entretient deux longues relations amoureuses avec deux artistes peintres. Sans se soucier des conventions, elle adopte des comportements considérés comme « masculins » en fumant et en portant le pantalon (à une époque où celui-ci est interdit aux femmes), grâce à un permis de travestissement qu’elle obtient pour pouvoir se rendre sur les foires aux bestiaux.

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Rosa Bonheur dans son atelier, George Achille - Fould

Rosa peint des tableaux de grande envergure, allant jusqu’à cinq mètres de long. Grâce à cela, elle se fait une place dans le salon officiel - salon qui expose seulement les œuvres des artistes agrées par l’Académie des beaux-arts - et se fait reconnaître dans le monde de l’art. La gent masculine est divisée quant à son arrivée dans le monde de l’art, mais certains saluent son travail à leur manière : « C’est une peinture d’homme, nerveuse, solide, pleine de franchise. », « Elle fait de l’art sérieusement, et on peut la traiter en homme. ».

En s’appropriant le genre spécifique et souvent négligé de la peinture animalière, et en le traitant dans un format monumental, elle innove et scandalise. En tant qu’experte dans le domaine des portraits animaliers, elle crée des tableaux d’un réalisme saisissant, ce qui était extrêmement rare à l’époque, d’autant plus pour une femme.

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Labourage nivernais, Rosa Bonheur

En 1865, Rosa Bonheur devient la première femme artiste à recevoir la Légion d’Honneur, une distinction que l’impératrice Eugénie lui a remise en déclarant que « le génie n’a pas de sexe ». Nul autre artiste n’a su capter le regard des animaux, leur individualité et leur âme comme l’a fait Rosa Bonheur. Ses œuvres, exécutées à la perfection, transmettent une rare émotion.

Elle était avant tout une artiste entièrement investie dans son art, dont les œuvres étaient parmi les plus chères de son époque. Elle a conquis le marché de l’art grâce à son travail, son talent, sa personnalité et son réseau, dans un monde où les femmes n’avaient pas beaucoup d’avantages.

Dora Maar, de son vrai nom Henriette Theodora Markovitch, est née le 22 novembre 1907 à Paris. Elle était une photographe et artiste peintre française. Elle fut l’une des amantes et muses du peintre Pablo Picasso, rôle qui a longtemps occulté l’ensemble de son œuvre. 

Sans titre, Dora Maar                                                              Candelabra, Dora Maar

Après avoir grandi en Argentine, elle retourne en France à 19 ans et se forme aux arts dans différentes écoles et ateliers. Indépendante et aventureuse, elle voyage à Barcelone puis à Londres où elle photographie les effets de la dépression économique à la suite de la crise économique de 1929. De retour à Paris en 1930, elle ouvre plusieurs ateliers et y rencontre les photographes Brassaï, Pierre Kéfer et Louis-Victor Emmanuel Sougez.

Sur le plateau du film, « Le Crime de monsieur Lange » de Jean Renoir, où elle est photographe, elle rencontre Pablo Picasso. Ils entament une relation amoureuse qui durera près de huit ans, malgré le fait que Picasso soit déjà en relation avec Marie-Thérèse Walter.

Elle a photographié les étapes de création des plus grandes œuvres de Picasso, dont « Guernica ». Elle était également le principal modèle de Picasso qui la représentait le plus souvent en larmes, tout comme elle-même réalise plusieurs autoportraits intitulés « La Femme qui pleure ». Picasso l’humiliait quotidiennement, la frappait parfois jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. La série « Femme qui pleure » la présente avec un visage cubique déformé par la douleur et l’angoisse.

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La Femme qui pleure, Picasso

Après leur rupture, Dora tombe en dépression et est internée. Elle se retire dans le sud de la France et commence à peindre des tableaux abstraits. Ses peintures resteront méconnues jusqu’à une vente posthume, où le public a découvert des œuvres très personnelles qui n’avaient jamais quitté son atelier. 

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Paysage et ciel, Dora Maar

Margaret Keane, de son vrai nom Peggy Doris Hawkins, est une artiste américaine née en 1927 dans le Tennessee. Elle subit dans son enfance une opération qui lui cause des problèmes d’audition, et devient alors obsédée par les yeux, qui l’aident à comprendre les conversations. Elle commence alors à peindre des portraits d’enfants aux yeux surdimensionnées. A 18 ans, elle entreprend une formation à la Traphagen School of Fashion à New York tout en continuant sa pratique artistique. Lors d’une exposition, elle rencontre Walter Keane, un autre artiste, avec qui elle se marie. 

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Margaret et Walter Keane en 1960

Deux ans plus tard, ils exposent leurs toiles respectives dans un salon, mais les toiles de Walter n’attirent personne. Les tableaux de Margaret, eux, se vendent comme des petits pains. Sa fierté entaillée, et comme sa femme signait ses œuvres « Keane », Walter décide de se faire passer pour l’artiste qui les a réalisées, et ce pendant plus de 10 ans. Lorsque Margaret découvre la supercherie, Walter affirme qu’il est plus facile de vendre les œuvres si l’acheteur pense qu’elles sont réalisées par un homme. En colère face à la réticence de Margaret, Walter la séquestre dans son atelier, la contraignant à peindre encore plus de toiles. En très peu de temps, les œuvres de Margaret ont connu un succès incroyable. Prise au piège, elle se terre dans le silence, et peint des visages de plus en plus tristes

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Hiding Place, Margaret Keane

En 1965, Margaret décide enfin de divorcer de Walter. Cinq ans plus tard, elle prend la parole à la radio pour annoncer qu’elle est la véritable artiste derrière « Big Eyes » et attaque Walter en justice. Au cours du procès, elle réalise face aux juges et jurés une œuvre caractéristique de son style pictural. Quant à Walter, il prétexte une douleur à l’épaule pour échapper à la honte de devoir peindre à son tour. Margaret gagne le procès et accède enfin à la reconnaissance qui lui revient de droit. 

En 2014, Tim Burton réalise le film « Big Eyes » pour partager cette histoire et rétablir la vérité.

• • • Le mot de la fin

Ces femmes ont sans aucun doute marqué à jamais l’histoire de l’art, par leur talent, leur résilience et leur passion, bien qu’elles ne soient souvent pas récompensées à leur juste valeur, c’est pourquoi il est important de relayer leur histoire.

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