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L'écriture des sentiments

Éveillez vos sens 

Oriane Auzerie Dubon - 25 février 2021

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Aujourd’hui, et le cœur réchauffé par les premiers rayons de soleil et de chaleur, j’avais envie de revenir sur des duos iconiques de l’histoire de l’art ou bien de la littérature. Les relations épistolaires m’ont toujours intrigué, autant que ces âmes libres des artistes dont je vais vous parler.  Dans une époque où l’amour 2.0 n’existait pas encore, les passions se dévoilaient, s’écrivaient et même se déchiraient par l’écriture.  

Dans l’article d’aujourd’hui je vais vous raconter l’histoire de trois couples d’artistes à travers ce qu’ils se sont écrit.  

• • • George Sand et Alfred de Musset, une passion destructrice qui a donné lieu à une des correspondances érotiques les plus connues 
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Portraits d'Alfred de Musset et de George Sand  

George Sand et Alfred de Musset forment un couple d’auteurs romantiques du 19ème siècle des plus passionnants. Leur relation à la fois intense et très tumultueuse a donné lieu à une des correspondances les plus connues de l’histoire de la littérature française.

George Sand est une des autrices les plus prolifiques de son époque. Elle prend la défense des femmes, prône la passion et lutte contre les préjugés conservateurs de son époque. Jeune femme impertinente et à contre-courant, elle mène une vie amoureuse agitée, porte un pseudonyme et des vêtements masculins. 

Alfred de Musset est un écrivain français de la période du romantisme. Né dans une famille aisée, il vit d’abord une adolescence de dandy, avant de rencontrer très rapidement un grand succès avec son premier recueil « Contes d’Espagne et d’Italie » (1928) alors qu’il n’a que 19 ans.

Les deux auteurs se rencontrent en 1833 lors d’un diner et deviennent rapidement amants. À l’image de leurs recueils romantiques, ils vivent un amour à la fois passionnel et déchirant.

Leur correspondance a été largement décortiquée, commentée. Certaines de leurs lettres révèlent des messages cachés et érotiques. En voici des extraits.


De de Musset à Sand :

« Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,

Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?  

Vous avez capturé les sentiments d’un cœur

Que pour vous adorer forma le créateur.

Je vous chéris, amour, et ma plume en délire

Couche sur le papier ce que je n’ose vous dire.

Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,

Vous saurez quel remède apporter à mes maux. »

De Sand à de Musset :

« Cette indigne faveur que votre esprit réclame

Nuit à mes sentiments et répugne mon âme ».


En plus des messages cachés, ces deux lettres sont exceptionnelles de beauté. L’amour et la passion entre les deux semblent aussi vrais que les vers sont travaillés et poétiques. 

Alors qu’Alfred de Musset décède en 1859, George Sand continue de décrire et d’écrire leur histoire. Elle va notamment s’inspirer de leur liaison pour écrire son roman autobiographique « Elle et lui ». Elle dépeint leur passion dévorante et va utiliser les lettres qu’ils se sont écrites pour son écriture.  On peut notamment y lire « il n’y a pas que les émotions douces qui nous fassent vivre, il nous en faut d’épouvantables pour nous faire sentir l’intensité de la vie » ou encore « il cherche l’amour comme la pierre philosophale à laquelle on s’efforce d’autant plus de croire qu’on ne peut la saisir ».   

• • • Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre, les amants terribles et la relation épistolaire d’une vie
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Photographie de Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre - © BELGA/AFP

Jean Paul Sartre, 23 ans, et Simone de Beauvoir, 21 ans, se rencontrent sur les bancs d’un amphithéâtre de la Sorbonne en 1920.

L’icône du féminisme et de la liberté et le polygame dans l’âme, Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre, vont sceller entre eux un véritable pacte d’amour libre, censé être reconduit tous les deux ans. 

Leur « amour nécessaire » est vécu librement aux yeux de tous puisqu’ils s’autorisent tous deux des « amours contigent.e.s ». Les seules conditions de leur pacte de liberté sont l’interdiction de se mentir et l’obligation de ne rien se dissimuler. 

C’est ainsi que, sans jamais se marier, ils vont vivre ensemble (bien que parfois séparément) durant 50 ans.  

Surnommés « les amants terribles », leurs libertés amoureuse et sexuelle vont les conduire à avoir parfois les mêmes amantes. Celles-ci se retrouvent finalement piégées dans un jeu d’égo et de jalousie.  

S’ils ne vivent pas toujours ensemble, ni même toujours dans le même pays, ils vont entretenir une relation épistolaire toute leur vie qui témoigne de leur liaison très forte, bien que mouvementée. L’amour qu’ils se portent est vertigineux et les mots qu’ils s’écrivent sont profonds.

À la mort de Sartre, Simone de Beauvoir décide de compiler dans un recueil et de publier les lettres qu’il lui a écrites entre 1926 et 1939 : « Lettres au Castor (surnom de Simone de Beauvoir) et à quelques autres » dont voici un extrait :


« Mon charmant Castor,

Que vos lettres sont tendres.  

Elles remuent le cœur, je les lis une première fois à l'heure du courrier vers deux heures et puis je les relis le soir avant d'écrire.

...Je crois que je vous lis avec les yeux de l'amour, car je ne n'y trompe jamais.

...Votre petit salut quotidien n'est pas venu depuis quatre jours et le monde n'est plus pareil. Je me sens pour la première fois déprimé et captif, un rat dans la ratière, je sens toute mon impuissance. »

(1939)

À peu près à la même période de la publication de son essai « Le deuxième sexe » en 1949, texte phare du mouvement féministe, Simone de Beauvoir rencontre l’écrivain américain Nelson Algren qui fut l’autre amour de sa vie. Elle entretient avec lui une relation jusqu’en 1964 sans pour autant renoncer à sa vie et son amour avec Sartre.  

Dans une de ses lettres adressées à Algren, elle lui explique pourquoi elle vivra toujours avec Jean Paul Sartre.

En voici un extrait :


« Ce n’est pas par manque d’amour que je ne peux rester vivre avec vous,

Et même je suis sûre que vous quitter est plus dur pour moi que pour vous. (…) 

Je ne pourrais vous aimer davantage, vous désirer davantage. Vous ne pourriez me manquer davantage. Peut-être le savez-vous. Mais ce que vous devez savoir aussi, tout prétentieux que cela puisse paraitre de ma part, c’est à quel point Sartre a besoin de moi. (…) 

Depuis presque vingt-ans il a tout fait pour moi. Il m’a aidé à vivre, à me trouver moi-même. Il a sacrifié dans mon intérêt des tas de choses. (…) 

Jamais je ne pourrai l’abandonner. Le quitter pendant des périodes plus ou moins longues, oui, mais pas engager ma vie entière avec quelqu’un d’autre. » 

• • • Paul Éluard et Gala, un amour passionnel et une muse inspiratrice irremplaçable 
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Photographies de Paul Éluard et de Gala © Henri Martinie/Roger-Viollet

Paul Éluard est un poète qui est d’abord proche du mouvement Dada et qui fut, par la suite, un des fondateurs du surréalisme.

Gala est née à Moscou et obtient, après ses études, une autorisation d’exercer le métier d’institutrice. Une maladie la conduit dans un hôpital en Suisse où elle va rencontrer le poète français surréaliste Paul Éluard en 1912. Impétueuse et très cultivée, elle va impressionner l’auteur. 

Ils vont se marier en 1917 et auront ensemble une fille Cécile. Au début de leur relation, leurs infidélités réciproques ne sont pas un problème. Éluard dit être attaché « à une fidélité supérieure, essentielle, que les affaires du corps ne pourraient pas mettre en danger ».  

Ils vont finalement divorcer en 1932. Gala deviendra alors l’épouse et la muse de Salvador Dalí et Paul Éluard épousera Nusch, alors muse des plus grands artistes surréalistes. Mais pour Éluard, Gala restera « l’inspiratrice irremplaçable ».  

Éluard continua d’écrire depuis 1924 et jusqu’à 1948 à Gala. Ces lettres ont été retrouvées par leur fille Cécile en 1982, à la mort de sa mère.  

Éluard écrivit également en 1926, un recueil de poèmes dédié à sa première épouse Gala « Capitale de la douleur » dont voici un poème phare « La courbe de tes yeux ».

« La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,

Un rond de danse et de douceur,

Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,

Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu

C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,

Roseaux du vent, sourires parfumés,

Ailes couvrant le monde de lumière,

Bateaux chargés du ciel et de la mer,

Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores

Qui gît toujours sur la paille des astres,

Comme le jour dépend de l'innocence

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Et tout mon sang coule dans leurs regards. »

Paul ELUARD, Capitale de la douleur, (1926)

Une lettre également particulièrement célèbre est celle que Paul Éluard lui écrivit pour leur rupture, en Février 1931.

« Ma Gala, ma seule, ça ne va pas mieux. Hier, trop démoralisé, je me suis « absenté ». J’ai été coucher rue Becquerel. J’y ai trouvé ton fantôme, celui de notre vie, de notre vie entière si difficile, si pleine de larmes et de caresses, si pleine de toi. Il te faudrait un manteau rouge, des bas noirs, des gants rouges, un masque rouge, des cheveux fuyants, la tête renversée et nue dans ton manteau et moi mort à tout le reste, à tout ce qui n’est pas toi, ma vie véritable, l’amour que j’ai de tes yeux simples et doux, de tes mains bonnes et belles, de tes seins qui sont pour me troubler plus doux encore que les poils de ton sexe, que ton sexe que j’adore.

Ma belle tête, ma toute petite tête, petit crâne tout entier dans ma main, Gala, ma divine Gala, toute ma vie, ma mort, je ne rentrerai plus rue Fontaine, le jour te ressemble trop et la nuit a trop ton odeur, je t’aime, je t’aime, mon enfant, moi-même, Gala. »


Cette lettre est ici le témoin de leur amour passé inconditionnel et passionnel.

Leur passion, Paul Éluard l’aura racontée en vers.


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